24 juin 2011. UNE PHOTO .
Une photo, on peut tout lui faire dire.
Un cadrage un peu travaillé, une lumière choisie, un petit réglage qui concentre le regard.
Ou un extrait d’image sorti du contexte, et cela donne une idée immédiate, une certitude. Une histoire que l’on a réécrit.
Et puis parfois, une image brute, sans retouche, sans recadrage, comporte des tas d’éléments.
Comme celle-ci qui rassemble, en une seule vue, des quantités d’informations sur ce pays. Un instantanné qui illustre des aspects multiples de la vie quotidienne.
Le cadre : nous sommes dans la banlieue de Port au Prince, vers Carrefour, dans la zone des réservoirs de carburant. Il n’a pas plu. Les flaques habituelles sont sèches.
Au fond, à peine visible, un camion rempli de boissons gazeuses roule vers le Sud. Ce type de cargaison est aujourd’hui fréquent : il semble que les bulles soient devenues le moyen le plus efficace pour se désaltérer, pour couper la soif. Les bouteilles en plastique finiront dans les ruisseaux et sur les grilles des égouts. Ou sur la plage.
Il est suivi de près par un camion de Chiritos, une espèce de « snack », en maïs soufflé, qu’on mange en France à l’apéro. Ici c’est presqu’un comme un repas qui est donné aux enfants. Ce type de nourriture industrielle emballée est devenue courant, et remplace la production traditionnelle locale. Les sachets finiront aux mêmes endroits que les bouteilles.
La route, pas finie, poussiéreuse, en travaux, cependant. Ce qui donne l’espoir qu’un jour elle soit terminée.
Le pick-up d’une ONG. Il y en avait peu sur la route en ce jour de congé ( Fête-Dieu) . Mais les jours normaux, c’est une noria.
Le chauffeur ( Doudouche) est au téléphone. Cet accessoire est indispensable, permanent, et la vie ne serait plus possible sans lui. Un incroyable moyen de lien. Les marchandes, les paysans, les jeunes, tout le monde a son mobile.
Un boss soude, en direct sur le côté de la chaussée. Pas de lunettes de protection, allongé sur une planche de contreplaqué, et deux tiges de fer pour la masse.
On a eu de la chance : il y a du courant, à cette heure là.
Le pare-choc a buté sur une roche un peu plus tôt. J’imagine le problème à Marseille si, dans mon beau 4x4 j’avais touché avec mon « pare-buffle »: expert, garage, immobilisation, facturation… Ici cela se règle en dix minutes, pour 250 gourdes ( 5 Euros).
Voilà une illustration de la nutrition, de la circulation, de la communication, de l'électrification, bref, de la situation, résumées sur une image bien banale.