31 JUILLET 2012
L'histoire de KIKI. (1)
Solon Raymond est tranquille et calme. Fume un peu de tabac dans sa pipe ancienne, son cachimbo.
La journée se termine, une belle journée de mai, dans les années 80.
Le "président à vie" parle dans la radio, mais Solon , n'écoute pas vraiment la voix nasillarde, hésitante et empruntée du fils bouffi de son propre Jeanclaudisme.
Il est assis sur le bord du chemin, près de sa maison. Il a plu un peu, et le jardin est superbe.
Couvert d'arbres et de multiples couleurs vertes: les manguiers vont donner à profusion, l'arbre véritable produira des fruits en quantité, les bananiers sont chargés de régimes.
Il sourit. Il est bien.
Des sapotilles, des goyaves, des siwèl, des grenadias, son jardin produit des trésors.
Madame Solon est belle, avec son teint cuivré de grimelle qui charme Solon, son regard vif et son sourire franc. Ils se reposent de la journée. Le jardin est superbe, mais demande du temps et des efforts. Et à l'angélus, ils aiment se retrouver assis tous les deux.
Ils parlent et échangent des regards emplis de tendresse et d'affection.
Solon regarde la rivière paisible, l'eau claire et calme qui passe devant chez lui, à Depal, en amont de Jacmel. Elle irrigue son jardin, et rafraîchit l'athmosphère. Et chante aussi. Depuis tant de temps, tout est à sa place. Et c'est bon.
Les voisines de baignent nues dans le courant, dans un concert d'éclats de rires.
Les enfants jouent dans la cour. Gracia, leur fille, chantonne et danse sous le quennepier. Elle a grandi et c'est maintenant une belle jeune fille pleine de joie, gaie et vive.
Pour le bonheur de Solon, elle est brillante. A l'école, elle collectionne les récompenses.
Les autres, pareil.
Malgrè les bruits et les querelles lointaines, les tontons macoutes qu'il évite, les crises et les problèmes des autres, Solon aime cet endroit et cette vie. Son regard clair détaille chaque parcelle de ce pays devant lui, et ne voit que sérénité.
Madame Solon a préparé un repas, du griot de ce cochon bien en chair, de la race créole, si utile.
Elle dit souvent que ses cochons sont comme sa caisse d'épargne. Ils ne coûtent rien, mangent les détritus et les restes, fertilisent les jardins.
On en engraisse un sans effort, et, en septembre , on le vend pour payer l'école.
Ils parlent des pauvres qui ont quitté le pays sur des bateaux de fortune, cherchant la vie à Miami, quand ils y arrivent; ils parlent de la douceur de vivre; ils parlent des enfants, de Gracia qui pourrait aller loin; ils parlent de l'avenir.