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6 janvier 2011 4 06 /01 /janvier /2011 11:49

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6 janvier 2010.

 

Pas de mélancolie, juste des regrets.

 

On va entrer dans la grande semaine anniversaire. Comme pour les grandes surfaces, il va y avoir de la célébration dans l’air.

 

Les titres  des journaux sont prêts depuis six mois.

Mais je n’y reviens pas, tout le monde sait depuis longtemps ce que j’en pense.

Une énorme quantité de travail d’urgence a été accomplie depuis un an 97 000 tentes et 680 000 bâches ont été distribuées.  Sans parler du cyclone ou du choléra qui ont occupé bien du monde.

 

Rebâtir est plus long, plus difficile,  et nécessite des décisions d’Etat. Qui ne sont pas prises. Enfin, pas encore.

 

Ce matin, j’entendais parler de mélancolie à la radio. Un peu dans le sens de nostalgie : des victimes de je ne sais quelle catastrophe avaient la mélancolie du monde d’avant, de leur vie d’avant.

Un événement grave leur arrive, détruit une partie de leur environnement, et en plus des séquelles physiques, ils tombent dans la mélancolie, tristesse, déprime profonde liée à la disparition de ce qu’ils vivaient ou avaient, deuil non encore fait de leur vie d’avant.

 

Cela aurait pu se produire en Haïti.

 

On pourrait se dire que cette destruction massive ressentie comme un choc violent par de nombreuses personnes, en direct ou chez leurs très proches, aurait pu créer une vague de mélancolie, de déprime nationale.

 

 

En y réfléchissant, je ne pense pas avoir rencontré ce type de sentiment pendant mon séjour. De la tristesse, oui, des pleurs à l’évocation de l’événement. Du chagrin, de l’émotion, de  la peur rétrospective.

Des êtres perdus auxquels on repense.

 

 

Mais jamais de nostalgie d’un monde ancien disparu, d’une vie antérieure meilleure, d’une existence à  retrouver.

 

Et c’est terrible …

 

Ne même pas pouvoir se dire que c’était mieux avant, que ce serait bien si on reconstruisait comme avant, si on faisait comme si il ne s’était rien passé.

 

Ce sentiment existe sans doute : chez ceux qui ont à la fois perdu maison, emploi, voiture et subsistance. Oui, ils doivent sûrement le penser, c’était mieux avant.

 

Barby et  Bentley, les deux gamins  d’une dizaine d’années que j’ai rencontrés sur une barricade du 9 décembre à Port au Prince, me disaient bien que dans leur maison détruite leurs deux parents sont morts, et que depuis ils sont dans une tente du Champ de Mars, faute de pouvoir payer le bus pour aller en province chez leur grand mère. Qu’ils allaient à l’école, avant.

 

Et  Sylvia qui étudie tous les soirs sous le réverbère dans la rue devant chez moi à Jacmel  avec sa copine Chiline, elle n’a parlé qu’une fois de sa vie d’avant, quand elle avait une chambre à elle avec même une télé et le courant, dans la maison de son père ; elle dort maintenant dans un cabanon avec sa mère. Et étudie la littérature française dans la rue.

 

Mais en fait, cela s’explique un peu.

 

Haïti n’existait pas. Il n’y a pas de nostalgie à avoir pour la plus grande majorité.

Le processus de reconstruction devrait plutôt s’appeler processus de construction tellement il n’y avait rien, avant.

 

Comme dit Chistophe Wargny ( « Haïti n’existe pas. » Editions Autrement )   « Haïti a disparu. Effacée. De notre mémoire, de la mémoire … Pourquoi Haïti, terre de tous les paroxysmes, est-elle aujourd’hui plus ravagée, meurtrie que jamais ? Exsangue ? » . C’était écrit en 2003.

 

Donc pas de nostalgie, après le séisme, pour revenir à quelque chose qui n’existait pas, à des existences souvent inhumaines déjà.

On ne peut pas souhaiter se retrouver, comme avant, dans un pays meurtri avec des vies impossibles.

 

Les paysans sans marché pour leur production, les enfants qui ne peuvent pas aller à l’école, les étudiants diplômés sans avenir, les familles éclatées dans les villes ou l’étranger, des logements faits de bouts de machins, c’était déjà le quotidien, avant.

 

Le tremblement de terre n’aurait rien changé ?

 

Juste attiré le regard des autres pour donner une possibilité d’enfin faire quelque chose : construire, mettre en œuvre, mettre en place, organiser, planifier, former, avancer…

 

Il aurait pu être le grand moment catalyseur pour lancer enfin les bases d’un vrai pays riche de ses ressources humaines.

 

C’est là que viennent les regrets.

 

L’élan n’a pas eu lieu, les décisions n’ont pas été prises, les plans n’ont pas été tracés.

Les lignes directrices d’un avenir intelligent n’ont pas été écrites.

 

C’était sans doute le moment. Il y avait des volontés et des moyens.

 

Il était possible de fonder une existence radicalement différente de celle d’avant.

 

Mais cela n’a pas eu lieu, pas encore.

 

Mélancolie, regrets.

 

Il reste l’espoir : un plan stratégique sur la reconstruction vient juste de paraître :

 

http://www.haitilibre.com/article-2033-haiti-reconstruction-i-le-logement-plan-strategique.html

 

Mieux vaut tard que jamais.

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